Réfléchi sur ma poésie
Réfléchi
J’appellerais mes poèmes ainsi : dysfonctionnels. Ils ne fonctionnent pas. Non au sens sensible : ils peuvent fonctionner en touchant le lecteur ; mais au sens d’un processus de rédaction : lorsque je démarre l’écriture d’un poème, l’évènement qui survient est un retournement, une cavalcade sémantique où le point de chute (la conclusion par un point du poème) est pris dans les rets de ma propre hallucination : l’image est bordée par ma psychose interprétative et cette dernière est défectueuse, trouée ; ce qui donne à l’écriture-évènement la qualité de brisure, d’annihilation du sens à cause d’une conscience morcelée qui ne prend que des bouts de réel pour les réifier dans un sens, un paradigme syntaxique refoulé pour être recraché en un jet de « poère ». J’appelle « poère » le temps du poème et de son père : le temps du Sujet et de son Sens. Mes poèmes ne veulent presquerien dire. Tout se trouve là. La psychose a un discours du presque-rien. Ce discours ouvre une petite lucarne sur un univers (la réalité) dont il n’est pas en mesure de le décrire sinon par le sujet-évènement. Événement hasardeux donnant lieu à une nécessité (Mallarmé) : la vérité immanente du poème comme acte absolu et arbitraire. Vérité aussi que le lecteur doit assurer en acceptant le presque rien du poème, presque rien qui fait sauter toute norme du langage au moment précis où le l’événement de l’écriture du poème s’instruit.