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Cet enfant est un amour

3 Avril 2019

Je me lève, je vais faire le café.

J’attends que le café se finisse pour fumer une cigarette.

Je me branle sur xvideos.

Je relis deux poèmes de Yeats.

Je commence à écrire.

J’arrête d’écrire.

Je mène la vie que je ne veux pas mener.

Je suis saoul du matin 6h.

Je crève l’abcès de ma gencive du bas.

J’attends d’appeler le dentiste pour prendre rendez-vous.

Je me rebranle sur xvideos.

Je vais au supermarché.

Je reviens et j’appelle le dentiste.

Le rendez-vous sera a 15h30 vendredi prochain.

Je me demande si je vais avoir un autre abcès.

Je lis encore un auteur anglophone.

Il dit ne pas vouloir pleurer la mort d’un enfant dans les flammes.

Je crois savoir que son fils est mort en bas-âge.

Je lance la machine à linge.

Je me rassieds à mon bureau.

Je sors un livre de linguistique.

Je le feuillette et me rendors.

Le bruit de la machine à laver me réveille.

Je ne me sens pas bien.

Puis je me sens bien.

Je crois que c’est grâce à Dylan Thomas.

Je me sens bien et ça fait du bien.

Ça faisait trois semaines que je ne me sentais pas bien.

Je commence à tourner en rond.

Le chat ronronne.

Il est 11h.

Je commence à avoir faim.

En préparant à manger je me convainc enfin de finir Joyce.

En préparant le riz je désespère de ne pas être amoureux.

Je vais étendre le linge en chantant Joe Dassin.

Je vais siffler et attendre sur la colline en espérant qu’un jour une fille m’aime à nouveau.

Je me rassieds sur mon bureau.

J’ouvre le livre Pléiade consacré à Pessoa.

Je le referme.

Je commence à avoir envie de boire.

Je caresse mon chat.

Je pense à une fille.

Ma gencive me fait mal.

Je me rebrosse les dents.

Je crois que se brosser les dents soigne les carries. 

Je sors faire un tour parc Montsouris.

Je me rappelle de ma mère morte il y a deux ans.

Je ne pleure pas car je suis heureux.

Le parc Montsouris était son parc préféré. 

Je remonte dans mon deux pièces.

J’appelle Victor pour le projet de livre.

Il ne me prend pas au sérieux.

Je me convainc qu’il ne sait pas à qui il a à faire.

Je lui re explique que j’aimerais qu’il dessine sur mes poèmes.

Ma mère est dans mon dos.

Il est 17h.

Il y a deux heures j’ai fumé une cigarette en pliant le linge.

J’ouvre encore mon ordinateur.

J’hésite entre me branler et écrire.

J’écris.

Écrire me rend triste.

Je parle tout haut à ma mère.

« Cet enfant est un amour ».

Je viens de le lire.

Il n’y a presque pas de nuages.

La nuit tombe.

Il est 20h et je n’ai toujours pas la certitude que l’enfant de Dylan Thomas est mort en bas-âge.

Je cherche sur Wikipédia.

Aucun enfant n’est mort en bas-âge.

Je commence à être fatigué.

J’attends que maman m’apporte un thé.

Je me remémore ses mots sur la table le matin pour s’excuser ou pour me dire que les choses vont aller mieux.

J’achète le discours d’un fragment amoureux sur Amazon.

Je change les draps et la housse de couette de mon lit.

Je me couche avec Dylan Thomas pour résoudre l’énigme de l’enfant.

Je m’endors.

Je rêve d’un ancien jeux vidéo auquel je jouais.

Papa m’appelle dans la nuit et me réveille.

Il est très ivre.

Je le rassure.

Puis je raccroche le téléphone en le mettant sur silencieux.

La nuit est étoilé.

Je le vois car je suis allé fumer une cigarette au balcon.

Le chat vient se frotter contre moi.

Je crois que j’ai envie de pleurer.

Je commence à pleurer.

J’arrête de pleurer.

J’imagine le monde avant ma naissance.

J’y vois mes parents à mon âge.

Je n’arrive pas à me rendormir.

Je sors.

Il y a un bar ouvert. 

J’entre sans l’envie de boire.

Il y a une fille laide au comptoir.

Elle me demande ce qu’il y a écrit sur mes mains.

Je ne réponds rien et commande un verre de vin.

Je me réveille.

Il est 7h du matin.

Je vais faire du café. 

J’ai encore un abcès à la gencive.

J’ai mal.

Je vomis dans l’évier

J’écris un poème sans métaphore.

Je fume une cigarette en le relisant.

Je le trouve bon.

Je me trouve rougeaud dans la glace.

J’écris un article pour Transfuge qu’on m’a commandé.

J’essaye de ne pas parler de ma mère.

Je nettoie l’évier. 

Je prends une douche.

Je pense au zyklon b.

J’écris le présent poème.

Je me sens fatigué.

J’arrête d’écrire.

Je pense à l’école primaire.

J’ai faim.

Je sens quelqu’un derrière mon dos.

Je me retourne et il n’y a personne.

Je retourne au parc Montsouris.

J’ai mangé un Burger King que je n’ai pas aimé.

Je digère ce que je n’ai pas aimé au parc Montsouris.

Je vais faire les courses.

La file est longue à la caisse.

Je me sens nerveux.

En montant les escalier pour aller à mon appartement je jure car j’ai oublié les croquettes du chat.

Je pose les courses et redescends acheter les croquettes.

Une heure plus tard je suis à mon bureau.

J’ai fini l’article et commence à avoir envie de faire une sieste.

Je fume une cigarette.

J’écris un poème sans métaphore.

Je le relis lentement et le corrige.

Je commence à aller mieux.

Le poème m’y a aidé.

J’entends le bruit de la chasse d’eau cassée.

Je m’endors en me faisant croire que je ne l’ai pas entendu.

Je sens quelqu’un dans l’appartement.

J’ai hérité lorsque ma mère est morte.

Je me cogne la tête contre la table jusqu’à saigner.

Je pleure.

Je commence à crier.

Rien ne va plus.

Au bout d’une vingtaine de minute je me suis calmé et ne comprend pas ce qui m’a pris.

Il est 22h.

Je regarde par la fenêtre du balcon.

La nuit ressemble à celle d’hier.

Je me réveille.

Je me branle.

« Cet enfant est un amour ».

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