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Comme le dit Pessoa

26 Décembre 2019

Dans une formidable épochè

Un maintien standard

De Michel SIDA 

 

Et moi je me retourne de ma chaise et je ne vois rien

Ma mère morte me faisait du thé il y a quelques minutes

 

Tenir c’est prendre du retard

Je lis Celan sa mère Celan est morte d’une balle dans la nuque
Celan est c’est aussi dire non tourné

A partir de l’amande mais l’arbre

Qui fume de thé se dresse

Celan ne dort pas il s’est jeté

Du pont Mirabeau un merveilleux soir d’été

 

Ma mère morte me ramène du pain avec de la confiture

J’en oublierais même qu’elle est vivante

 

Est-ce cela tenir comme Pessoa ?

Le venir dans le salon fenêtre ouverte

Le fin’amor 

Maman tient elle a du retard

Tient dans ses mains le plateau de fruits de mer

Confits à la vodka

 

J’en oublierais presque qu’elle a eu un sein en moins 

Que l’éponge ait salit ses mains

 

Et que je n’arrêtais pas de me retourner vers la cuisine afin de voir une ombre

Souriante certes,

Mais gazeuse dans l’entrebâillement

 

Ma mère est proche de moi

Elle boit quantité astronomique de vers

Sa peau est rongée par le rongement

 

Elle m’amène du thé je lui souris

Elle sourit à son tour

 

Je vis au cinquième étage il fait nuit et ma mère me rapporte du thé

J’en oublierais presque qu’elle est vivante

 

Comme les rats je mange le pain et la confiture

A l’arsenic

 

Triade

Moi

Nuit

Mer 

 

Mais c’est l’encre qui se maintien droite

S’éteint comme Celan

Gonflé d’eau cadavérique

 

L’écriture à l’encre appose sur la feuille une minuscule pellicule de mort

Sur le papier quelque chose gonfle et change le chant vierge

En chant grossi d’encre

Entrecoupés de points, de virgules, de thé, d’amande

 

Je me retourne une dernière fois

Un tatouage posé sur mes doigts

La nuit pose et repose ma mère est là

Elle m’apporte du thé puis basta

 

Seule la raison me manque et tendu

D’une tasse flambée à la vodka

Les os de Celan sont à Cernowitz

Ma mère est une nuit qui ne s’en va pas

 

M’amène le jour enfin qui se réveille

Je n’ai pas écrit

 

J’ai décidé

 

Et c’est bien ainsi

Car 

Tenir c’est prendre du retard

 

Je ne tiens plus la tasse de thé que ma mère m’a apporté

Je ne regarde plus les tatouages sur mes phalanges

J’oublie que j’ai été conçu dans un ovule

Celan ne fait plus partie de moi

 

Et c’est bien ainsi

Car

Tenir c’est prendre du retard

Comme le dit Pessoa

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