Comme le dit Pessoa
Dans une formidable épochè
Un maintien standard
De Michel SIDA
Et moi je me retourne de ma chaise et je ne vois rien
Ma mère morte me faisait du thé il y a quelques minutes
Tenir c’est prendre du retard
Je lis Celan sa mère Celan est morte d’une balle dans la nuque
Celan est c’est aussi dire non tourné
A partir de l’amande mais l’arbre
Qui fume de thé se dresse
Celan ne dort pas il s’est jeté
Du pont Mirabeau un merveilleux soir d’été
Ma mère morte me ramène du pain avec de la confiture
J’en oublierais même qu’elle est vivante
Est-ce cela tenir comme Pessoa ?
Le venir dans le salon fenêtre ouverte
Le fin’amor
Maman tient elle a du retard
Tient dans ses mains le plateau de fruits de mer
Confits à la vodka
J’en oublierais presque qu’elle a eu un sein en moins
Que l’éponge ait salit ses mains
Et que je n’arrêtais pas de me retourner vers la cuisine afin de voir une ombre
Souriante certes,
Mais gazeuse dans l’entrebâillement
Ma mère est proche de moi
Elle boit quantité astronomique de vers
Sa peau est rongée par le rongement
Elle m’amène du thé je lui souris
Elle sourit à son tour
Je vis au cinquième étage il fait nuit et ma mère me rapporte du thé
J’en oublierais presque qu’elle est vivante
Comme les rats je mange le pain et la confiture
A l’arsenic
Triade
Moi
Nuit
Mer
Mais c’est l’encre qui se maintien droite
S’éteint comme Celan
Gonflé d’eau cadavérique
L’écriture à l’encre appose sur la feuille une minuscule pellicule de mort
Sur le papier quelque chose gonfle et change le chant vierge
En chant grossi d’encre
Entrecoupés de points, de virgules, de thé, d’amande
Je me retourne une dernière fois
Un tatouage posé sur mes doigts
La nuit pose et repose ma mère est là
Elle m’apporte du thé puis basta
Seule la raison me manque et tendu
D’une tasse flambée à la vodka
Les os de Celan sont à Cernowitz
Ma mère est une nuit qui ne s’en va pas
M’amène le jour enfin qui se réveille
Je n’ai pas écrit
J’ai décidé
Et c’est bien ainsi
Car
Tenir c’est prendre du retard
Je ne tiens plus la tasse de thé que ma mère m’a apporté
Je ne regarde plus les tatouages sur mes phalanges
J’oublie que j’ai été conçu dans un ovule
Celan ne fait plus partie de moi
Et c’est bien ainsi
Car
Tenir c’est prendre du retard
Comme le dit Pessoa