Réfléchi poétique : Rainer Maria Rilke à Paris
Il n’y a qu’une voie pour la fin du 19ème, celle qui passe par Rodin et Cézanne.
Si la Terreur de Paris développe en Rilke le geste pur, comme la caresse d’Auguste en son métier immense qui parachève la terre meuble et invisible de la Nature.
Ou ce malgré lui cruel geste tout latent porté à son comble du bout des doigts humides tenant le sexe courbé imitant le mythe que la montagne Sainte-Victoire sert en son cœur battant.
Il n’y a que le rien qui est tout à faire durcir.
Traduction d’une étoile, forme invisible, ou archéologie de la couleur sans parole. Remise à sac du terreau trop lent pour être compris, trop furtif et véloce pour être oublié… Joie draguée par le génie d’apposer l’infini coloris bleu enserrant l’objet, le galvanisant, le durcissant comme l’Un des philosophes qui soutiennent toute l’entreprise impossible et pourtant nécessaire au déroulement des choses magiques et matérielles.
Bien qu’un jour le terrestre ne saura plus qui a dit quoi et pour quelle raison ce fut dit, absorbé, versifié, il faut donc convenir que la vie n’imite pas assez bien l’art.
C’est pourquoi la souffrance est nécessaire, unique, pourtant faute poétique puisque manque elle est soustraite de la Chose. Car elle touche et comprend Rilke comme une pierre comprend l’eau qui la poli avec tendresse et cependant donne à la pierre conscience d’être ce qui fera l’or ; élaborant comme sournoisement la relation à la vie impossible, chaste, contradictoire, folle ;
en vers ça donne :
et s’il n’était que le réel
qui dirait : « qui est moi ? »
bouchant l’évier à tout jamais
le regard n’est pas dans les yeux
la beauté est dans le regard et non dans la chose vu
la magie est dans la Mère non dans la voix de son Fils
un mort dans la chemise
de papier kraft
il reçoit les premières foules du monde
un recueil
un item seulement
seulement je me suis trompé
j’ai cru parler
j’ai cru retenir
maman on s’est trompé
j’ai cru souffrir et écrire Rainer Maria Rilke
en frontispice du poème
il existe du présent
n’en doute
pas
persuade-t-en
maman il nous reste que cela
maman on s’est trompé
alors,
alors on parlera de Lénine
on ira au musée d’Orsay pétrir, voler le catalogue
on rattrapera les mains du peintres perdues dans la mémoire
De l’été
On montera la porte fumante de n’avoir jamais été ouverte
On y collera des bouts de rien
et avec ça on s’en félicitera
(Existe-t-il une balance à Aubervilliers ?
Si oui a-t-elle déjà chanté ?...
Le nombre zéro
La mort
L’expérience de la magie s’en fout
Il faut juste peser
Et écrire
Puis repeser
Et mourir
d’en avoir trop dit)