RÉFLÉCHI SUR LA CRÉATION
L’art propice. C’est quoi l’art propice ? C’est l’art au bon endroit. C’est l’art en bon terrain, les terrains vagues, très vagues. Faut que ça chancèle pour un moment. Puis, devenir dur comme du marbre. Au début ça pousse quelque chose, ça pousse l’endroit, ça commence à habiter l’endroit et l’endroit n’est plus le même.
Mes poèmes c’est des petites maisons, ça s’habite, ça laisse la porte ouverte comme dans la chanson de l’autre connard de Maxime le Forestier. Au départ il y a un endroit, un espace qui espace la personne qui veut lire et la personne qui veut écrire. Mais tout d’un coup, dans un éclair de lucidité il y a quelque chose qui se construit, qui s’élabore dans la construction, et voilà qu’il y a le poème. Voilà qu’il se montre, sale comme toutes les créations artistiques. Et il est propice, il est vrai, il est là, déjà habitué à laisser s’habiter.
Alors quand je dis « j’habite l’absence » il ne faut pas mécomprendre, c’est juste que il y a un moment de justesse, où l’avenir de mon corps se joue (par mes mains en l’occurrence, mais ç’aurait pu être ma voix). Fabriquer un poème c’est habiter l’absence (par ce qu’il n’y a que des terrains vagues). Et dans ce nouvel abris (chaque poème crée sa taule, ses murs, et ses meubles) on perfore l’existant, on se rend à l’absence mains liés. Habiter l’absence c’est dangeureux : on se dit des choses qui font mal, on a peur, tout est couleur et non-couleur, tout est parler et non-parler. Mais ça fait sens, ça se donne et ça habite le vague, pour devenir du concret, du concret qui remplace l’absence qui fait flipper. J’habite l’absence par ce que j’écris.