poème animaliste
tu as les traits
tirés par le métal
tu es notre matière
notre pain
notre vin
toi à qui la parole s’est perdue
ne l’ignorant pas
la perte est devenue matrice
il va de soi que tu es de l’ombre
de la terre
du nuage et de la pluie
pour nos cultures intérieures
tu es ce qui nous traverse
pour s’évanouir et reprendre
le lendemain
dans le miroir ton visage se reflète
et tu sèmes pour toi seul toute la souffrance
et dans le souffle après être découpé
il ne tombera plus qu’un reflet rouge
dans nos assiettes en argent
et dans celles-là
il n’y aura plus que notre visage de
reflété
tu vas dans le monde comme
nos nourrissons que nous chérissons
comme l’Idéal
tu as
le matin
le mal de la brûlure que le feu
comme le pleur infini d’un enfant
qui réveille en les mères que nous sommes
l’inaudible ou le presque silencieux qui hardiment
fait basculer la crainte en terreur
ce pleur
est pour nous le presqu’audible
mais que
par enjambement d’hypocrites salopards
nous comprenons sans juger et agir en conséquence
nous
qui avons le tribut du monde
animaux des animaux
et toi animal du rien
et pourtant tu consumes le vrai
tu consumes l’herbe et notre reflet
car oui
un jour
l’on te reconnaîtra dans ton feulement
comme origine
comme rune témoignant et du symbole
et du Soleil
et de tout
car tu viens vers nous
craintif ou reconnaissant
nos paroles s’adressent à toi
comme des
lames millénaires
que ne se sont jamais émoussées
même par la moindre syllabe d’une prière
et si
même
l’on avait inventé un son muet
qui te ferait signe
le reconnaître serait pour toi tâche
aberrante car nous ne sommes pas aptes
à donner le beau de ton silence
nous pouvons seulement
l’imposer
car la mort est le seul fruit du travail humain