Une voix
J’arrache la table et le stylo, la feuille -
Mes jambes et mes mains, mes yeux -
En les disant je me troue.
C’est ma parole, le corps de ma pensée, l’étoffe, la tessiture la matière
De mon esprit.
Je me troue comme une toiture d’une cabane de Soukkot -
à la lumière du soleil je brûle en parlant.
C’est un seul mot inintelligible et clair qui dure avant et après
Ma voix n’est pas l’ombre des objets
Le mot vite est crié puis immédiatement -
Il n’y a plus de vitesse que le présupposé de la vitesse.
Je démembre la terre et ses os, racines sobres contre à compter
Combien le temps est enclos dans les choses -
Et non les chevaux qui se lèchent interminablement le dos l’un de l’autre.
J’aère le salon puis immédiatement une odeur faible, esquinte l’air -
Du salon où -
Non.
Il n’y a rien à dire sinon porté pâle et haut, troquer, ma parole
La parole n’est pas à marchander, elle se colle amour dit l’autre lune à l’autre lune de la « Lune » fléchir grésiller déterrer amener réenterrer, le pain à la main,
La bouche ouverte la parole m’est apparu un jour comme un trou dans le monde
Fait par ma bouche humaine -
Et la pensée d’abord comme un creux, comme un coup de vide porté dans la matière.
Il n’existe pas de choses et la parole ne double pas un monde.