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Les photos

30 Novembre 2022

On regarde des photos comme preuves d’un passage. Un passé qui ressurgit lorsqu’on décide de sortir le carton. C’est simple. C’est simplex, on se voit. Et on regarde les différentes photos plus ou moins vite. On s’attarde sur quelques-unes. On passe sur d’autres moins intéressantes. On sourit. Puis on ne sourit plus. Tout dépend des protagonistes. Ou des lieux. Les photos sont diverses. Il y a un tournage. Il y a nous avec nos parents, nos amis, les maisons à la campagnes, les jouets, l’enfance. Puis on tombe sur quelque chose qui rebute. On ne sait pas pourquoi. On sent un danger. Un frère. Une petite enfance qui est là. On est nerveux. On palpite. Quelque chose ne va pas. D’un seul coup mon petit frère est là, dans une implosion à l’intérieur de moi. Il est directement là, non pas dans le souvenir mais dans un présent que nous contemplons. Ce passé d’avant les luttes. Je vois avant la maladie. Et on voit la femme. Qui n’existe plus. Qui est dans un cimetière. L’écho de son abandon dans le cœur. 

 

Diego a un large sourire. Je le porte. Il ne doit pas avoir plus de 3 ans. Il est un peu gros. Des cheveux bouclés. Il est en avance au rendez-vous. Il est déjà là. Il attends au café des années plus tard. Il n’est plus le même. Il pleure devant la tombe. Une autre photo dissimule autre chose. Mais on ne sait quoi. Diego et Marie souffle sur le même gâteau. Est-ce l’anniversaire de l’un ou de l’autre ? Je ne sais pas. Je suis là à quelques mètres. Attendant patiemment et sans douleur la secousse qui viendra des années plus tard regardant la photo découverte dans le carton. Je suis face à l’abîme du présent. Un présent paradoxal. Un abîme entre le présent de cette photo où je me vois être grand-frère. Et le présent plus proche. Où je suis un autre grand-frère. Plus soucieux. Plus maladroit. 

Diego est en avance au café. Il me sourit. Il a 4 ans. Il joue avec moi. La mère m’a collé des photos de nous dans un album à part. Je lui montre. Il rit. Je me protège de son rire. Je ris aussi. Je pleure. Il y en avait une qui devait disparaître. Ce fut-elle. Je ne comprendrais jamais. Lorsque la mienne disparaîtra ce sera à son tour de rire. De me faire rire. Nous serons un peu plus âgé que sur ces photos. Qu’aujourd’hui. Tout à coup l’expérience de ce passé vécu comme un présent me ranime. Je suis son grand-frère. Je suis celui à qui il ouvrait avec impatience la porte. Je serai à jamais ce grand-frère du 22 rue Dussoubs. Lorsque nous avions l’âge, inconscient de l’enfance et de l’adolescence, de dormir à deux dans la même chambre. Je suis celui qu’il regardait jouer sur l’ordinateur pour s’endormir et auquel je jetais parfois des regards pour voir s’il s’était réellement endormi. Les temps sont chiffrés. C’est ma parole qui vole parmi les âges et les photos. J’aime mon petit frère. Je l’aime énormément. Je le sais. J’en suis sûr

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