Un texte
C’est un texte sans intention particulière, un texte qui va vers quelque chose que je ne sais pas, un texte qui marque l’absence d’un départ semblable à un axiome ou une idée. C’est un texte armé d’une volonté vide. Un texte sans détours ni ligne directrice. Un texte absent somme toute. Ainsi je peux commencer. Je suis là, à l’écrire, je veux dire le texte. Plutôt que la question du sens de ce texte qui a priori n’en a aucun hormis une volonté d’écrire, je me demande plutôt vers quoi ça va ?
Ça va vers lui-même comme texte écrit pour être lu, ça va vers l’autre. Ça va aussi vers moi. C’est un texte qui me questionne, qui me demande, qui me demande d’aller au plus profond de moi ma volonté, mon désir, la ligne directrice sur laquelle mon cerveau s'appesantit. Ça va vers le dehors. Le dehors de ma simple volonté. Ça va, comme je l’ai dit plus haut, vers l’altérité. Mais comprendra t elle ? Si j’écris ce texte c’est pour l’informer, non par démonstration mais par une question. Est-ce que l’autre va se réjouir du texte ? Est-ce que l’autre va relancer la balle ? Puisque ma volonté veut et mon vouloir veut ma volonté je suis enfermé. Donc le texte, on le voit commence à se dessiner. Ça va vers le dehors pour infirmer le dedans. Mon désir d’écrire ce texte est après qu’il soit fini. Mais maintenant il n’est pas fini. Il y a une étrangeté d’un texte qui n’en peut plus de ne plus finir et d’aller du dedans vers le dehors et du dehors vers le dedans. Ce texte est l’inscription sur une page quelconque qu’il n’y a pas d’issue à l’écriture. Tout est a priori dans la lecture et a posteriori dans l’écriture. Ça va vers ce paradoxe. Ce texte. C’est l’événement pur. Dans les conditions du monde qui entoure les différences de ce texte sont abolis car il n’y a pas de sens. Il n’y a que le lieu du non-sens. Un va et vient entre le monde et le texte. Un événement en tant qu’il change radicalement les possibilités de s’exprimer et d’être entendu à partir de rien et pour rien. C’est le niveau zéro. Ici il y a texte car il se surimpressionne à sa propre événementialité. Il y a un texte qui ne dit rien d’autre qu’il n’est que lui. Qu’il va. Mais où ? Et d’où ? Par où ? Vers quoi ?
Ce texte propose peut-être de savoir ce qu’est la poésie. Qui est elle-même l’antithèse du texte événementiel que j’écris. Mais la poésie, elle, peut être formelle mais jamais sans destinataire et jamais non plus sans volonté d’écrire. Sans sens ou absence de sens. Absence du rapport entre le texte, moi et le potentiel lecteur. J’informe juste du vide et me repose là-dessus pour expliquer ce en quoi consiste la poésie. Le texte est enveloppé dans lui-même. Il s’écrit s’écrivant. S’avançant avançant. Sans rien de volontaire sinon la déduction qui part d’une absence de principe pour qualifier la poésie. C’est cela peut-être où le texte voulait aller à mon insu. Mais j’avais déjà le savoir de l’insu dans mon absence de volonté car elle encadrait une certaine pudeur universalisable du savoir. Je savais déjà tout en ne sachant pas.