Ma vie à 29 ans
Je m’éveillais le matin avec douleur, je vidais le petit cylindre de café puis ajoutais de l’eau chaude pour ensuite remettre du café et appuyer sur le petit bouton rouge.
J’attendais, comme un con, en regardant le grand HLM qui faisait face à ma cuisine. Parfois je me roulais ma clope pendant que le café se faisait, parfois non.
Allez savoir si le moment de rouler sa clope est le bon moment. Car pendant le café je courais le risque de devoir l’allumer, et c’était inévitable, je l'allumais si elle était prête. Et ce serait le début d’un matin râté. Ou alors j’attendais mollement, dans le coton que tout ça se finisse bien dans le salon.
Parfois il restait un peu de vin de la veille d’un dîner ou d’un apéritif. J’avais du mal à y renoncer et vers les coups de sept heures je buvais. Mais ça n’avait rien de très grave. C’était une sorte de maintien du vertige, la radicalité, l’étrangeté de l’alcoolisme.
Le matin très tôt la plupart du temps je lisais. Quoi ? Oh, de tout. Mais on y reviendra. Et je regardais des séries toutes les deux heures.
J’attendais les huit heure trente neuf heure pour réveiller Alexandra et lui amener du maté. (Qu’on appelait lors des moments de joie le matou-maté, on était quand même un peu con…)
J’avais 29 ans et une petite fille au compteur. J’étais une merde.
Ma vie avait réussi à me transformer en ogre de médicaments, du risperdal, de la quétiapine, du depakote, du valium, du prozac etc… Je faisais confiance à mon psychiatre et j’étais gros. Vale. On se souvient toujours des mouvements doux amer qu’après une trentaine d'années. Au bout de dix c’est encore notre vie, à vingt on l’oublie et à trente on est rattrapé par le game.
Le monde était entre Trump et Deng Xiaoping et moi je vivais une petite ville qui s’appelait Paris. Pour rendre justice à la vérité je précise que j’étais vers Place des Fêtes. J’étais un poète râté et ma vie n’était qu’une succession de petits plaisirs entre de plus gros malheurs.
J’avais tout le temps mal à la tête et écrivais comme un gros con, des trucs improbables. Je nageais dans la merde et les seules choses qui me faisaient encore ramer sur mon bateau gonflable c’était Allie, ma copine et ma fille Anoushka.
C’était une sorte de périple de tous les instants, du comique je passais au laid puis au tragique sans aucune entracte et se déversait la merde sur ma putain de tête tous les saints fucking jours de l’année.
Je fumais environ 40 cigarettes par jour pour respirer, ça m’aidait à tenir.
Mais pourquoi ?