L'homme de merde
L’homme de la rue, l’homme faible s’accommode mieux de sa mauvaise conscience que de sa mauvaise réputation. Franchement, et c’est indéniable, l’homme de merde n’a pas de désir sinon une pulsion (de plaisir) de se voir accepté par tel groupe ou telle institution. Il agira en conséquence : il préfèrera se sentir aimer que de s’aimer lui-même. Il est plus facile pour lui de s’arranger avec sa mauvaise conscience, ses contradictions intimes qui, à l’âge propice, c’est-à-dire lorsqu’il retracera sa vie passée, au bord de son extinction, lui feront sentir un goût amer de s’être donné à tous sinon à lui-même. La liberté réside exactement dans cet écart, s’aimer sans porter le fardeau de la foule c’est avoir vécu une existence honorable, même si elle fut difficile à prétendre agréable. Car ce savoir de droiture d’esprit, certes solitaire transcende le vulgaire et l’ignoble sentiment d’être aimé uniquement pour remplir l’angoisse de ne pas s’aimer, la suffisance d’un homme qui se compromet sans jamais le révéler : être dans le monde par l’autre, sous n’importe quelle modalité, récompense, plaisir complaisance, pitié, bref tout ce qui fait la vie d’une merde qui ne sait pas se reconnaître grand dans son intimité. Les actes les plus grandioses sont ceux qui ont été cachés.