Le fantôme
Au loin la fenêtre de l’appartement d’une jeune fille allumée, elle est la fenêtre, allumées ; j’insiste… Elle m’allume. Je la connais. Trop. Je regarde presque tous les soirs danser sur de la grosse techno des années 2000, j’entends d’ici le bruit. Elle se dandine, bouge son cul dans tous les sens. Je remercie la perdition d’en être le spectateur. La musique est belle. Grosse et belle. Comme la queue de Teddy Rinner. Je l’appelle, je fais des gestes dans tous les sens mais elle n’entend rien, elle est au paradis. Comme le note la chanson de Cookie Dingler : c’est une femme libérée. Parfois je la vois se pencher sur son bureau taper un rail. La fenêtre se trouve à peu près à 200 mètres de la mienne. Elle est blanche comme du savon de Marseille, elle aurait pu être une beurette. Comme une prune. Ç’aurait été aussi excitant, voire plus. Enfin je sais pas. Tout ce que je sais c’est qu’elle est méga sexy. Je ne connais ni son nom, ni là où elle travaille, ni ses amis ou ses parents. Je fais la vigie le soir vers minuit et je la vois. Personne n’est jamais avec elle. Pourquoi ? Moi je pourrais être avec cette femme libérée. Je l’appelle Claire dans mes pensées visqueuses. Je ne la reconnaitrais pas dans la rue. Son endroit, sa place est nettement délimité dans mon cerveau : ce petit rectangle allumée au sixième étage.
C’est ma petite récompense en rentrant du boulot (je finis tard). J’aurais pu m’acheter des jumelles mais je n’en ai pas besoin. Claire n’a pas de visage, elle n’a qu’un corps et de la sueur.
Claire s’anime à partir de 23h30. Elle allume Basshunter et c’est l’extase. Parfois je m’allonge sur mon lit je n’entends plus que la musique au fond de l’être et je me masturbe l’être. Je m’endors la fenêtre ouverte après avoir jouis. Avec toujours au fond de moi cette clarté.
Je crois qu’il faut que je me trouve sérieusement une meuf. Ou, ou alors je reste avec cette horizon fantasmatique qui me fait trembloter comme si j’avais un peu froid. Un jour peut-être que je la baiserais. Peut-être qu’elle se suicidera (trop de cocaïne) avant. Alors que faire ? Demain je m’achète un mégaphone et je la hèle, espérant couvrir David Guetta. Me répondra-t-elle ? A-t-elle au moins une voix ? Une sexualité ? Je vois jamais d’autre êtres qu’elle dans cet appartement. Le décor est simple, il y a une table blanche avec tous les soirs de la coke dessus. Un canapé beige deux places. Je connais tout ça. Trop. Et une grosse chaîne stéréo Bose ©, blanche aussi. Je sais tout ça. La journée elle n’existe pas. Elle ne se montre pas. Ou elle dort pour se préparer afin d’être au top pour moi le soir. J’aime Claire.